LES LIMITES : un sujet qui fait débat de nos jours. Un sujet parfois qui crispe, mais aussi qui questionne malgré tout de plus en plus de parents.
Autant vous le dire, comme ça, de but-en-blanc : NON ! je ne suis pas un apôtre de l’éducation bienveillante. Je suis une adepte des limites.
Pas à outrance non plus. Peut-être que dans ce domaine également, mon origine m’a donné ce réflexe de me situer toujours au milieu de la balance (je suis suissesse). Je ne me considère pas, ni en tant que femme, ni en tant que partenaire, ni en tant que Maman, comme étant une « Madame Général ».
Et pourtant, s’il y a bien une valeur très vibrante en moi, c’est celle de la liberté. En vous écrivant ces quelques lignes et à la seule évocation de ce principe, mes tripes se serrent.
OUI ! Ma liberté est un besoin fondamental.
Toute tentative de limitation que l’on pourrait me poser créé en moi une envie de ruer dans les brancards, de m’enfuir, de me défendre, d’exploser. Et plus cette limitation, que je considère comme une tentative de contrôle souvent, se renforce, plus j’ai envie de tout voir partir en éclat. « Quel antagonisme ! » Me direz-vous. Et vous auriez raison de le noter.
Mais laissez-moi ici vous expliquer mon point de vue.
L’apprentissage du monde et de soi
A mes yeux, le grand challenge de tout enfant est celui d’apprendre à utiliser ce qu’il a à sa portée pour vivre au plus proche de ce qu’il ressent et de ce à quoi il aspire, et ainsi se permettre d’aller chercher plus loin ce qui n’est pas ENCORE à sa portée…
Nous sommes, du moins dans les pays développés, il me semble à peu près tous d’accord avec cette notion. Ce sur quoi nous sommes moins d’accord, c’est sur le comment.
Pour pouvoir utiliser ses ressources, un enfant devrait non seulement apprendre son environnement, mais aussi s’apprendre lui-même. On peut comparer ce processus avec l’apprentissage de l’utilisation d’un nouvel appareil, qui lui aussi en général propose des limites dans son fonctionnement.
Apprendre le monde, comment il fonctionne, quels en sont les tenants et les aboutissants, est primordial. Apprendre comment demander pour obtenir, comment respecter pour garantir des relations saines et continuer à être reconnu – et donc intégré, par exemple.
Et puis il y a le fait d’apprendre à se connaître soi-même. Prendre conscience, au fur et à mesure que les années passent, de notre différence et singularité, de nos valeurs, de nos besoins. Comprendre quelles sont nos forces et nos failles, pour mieux pouvoir déterminer notre chemin et l’ajuster autant que faire se peut.
Fondamentalement, ce que je souhaite à chaque enfant, c’est d’apprendre à appréhender son contexte et ses singularités pour mieux tout remettre en question et changer les dogmes en place. Accéder à la pensée libre, pour mieux tout bousculer…
Est-ce que vous le ressentez ? tout est limites… Le contexte est une limite. Nos singularités sont nos limites. Comment espérer pousser ces limites sans les avoir connues, vécues et intégrées ? On ne peut « combattre » que ce que l’on connaît.
Oui parce que finalement, une limite n’est pas quelque chose d’immuable.
Elle se réévalue, se bouge, au fur et à mesure où on chemine, où on apprend. N’est-ce pas ça la vie ? explorer pour toucher les limites, les sentir, les évaluer, s’évaluer soi-même et mettre ce qu’il faut en œuvre pour les dépasser ; pour atteindre d’autres limites, puis recommencer le processus, jusqu’au moment où l’on décidera que l’on s’arrête, pour certains bien plus tard que d’autres, voire jamais.
Sans limite, on se rend vite compte que ce sentiment d’ivresse face à ce que l’on perçoit comme une immensité de possibilités infinies, se transforme un jour où l’autre, parfois bien vite, en un terrain d’incapacités également et donc de potentiels dangers. L’ivresse cède alors sa place à l’anxiété, à l’angoisse.
Des limites comme bordure, et non comme une limitation
Poser des limites : déterminer une bordure
Limiter : restreindre à…
Avouez que le sens des mots résonne différemment. Les amoureux de la langue française auront compris que je me limite (la voilà la limite librement consentie) à ne donner ici que les significations qui me conviennent. Elles représentent aussi celles que j’ai intégrées et la façon dont je les vis.
En tant Maman, je ressens réellement le besoin de dessiner, autour de mes enfants, le contour du terrain de jeu dans lequel ils pourront évoluer, pour petit-à-petit leur offrir ce qui est si cher à mes yeux : une plus grande liberté, en toute sécurité.
Imaginons un enfant à qui l’on ne pose aucune limite ou si peu définies qu’il ne les voit pas vraiment ou s’amuse, régulièrement, à les faire voler en éclat sans peine. Comment peut-il alors évoluer sereinement ?
Un exemple : je vous enlève, et je vous dépose, sans vraiment vous expliquer où exactement, juste en vous disant que vous aurez plein d’outils sur place à votre disposition pour vous en sortir (outils que pour la plupart vous ne savez pas utiliser), et que je serai là avec vous en soutien émotionnel seulement. Vous ouvrez les yeux et constatez que vous vous trouvez en plein milieu de la forêt amazonienne.
Pause ! et parenthèse « oui, je considère bel et bien la vie comme une jungle. La métaphore est choisie en pleine conscience. » Reprenons.
Alors dites-moi : comment vous sentiriez-vous ? serein ? prêt à déployer votre plein potentiel ? ou complètement figé sous l’effet d’une peur envahissante ?
Et si je vous disais maintenant que moi ce chemin, je l’ai déjà fait, que je suis prête à le refaire en cheminant à vos côtés, parfois devant vous, pour vous expliquer cette forêt amazonienne et vous montrer comment faire pour contourner une majorité des dangers qui s’y trouvent, et que petit-à-petit, je vous laisserai passer devant.
Je suis sûre que vous ressentez plus de sérénité.
Si la jungle est pour moi l’image qui convient à ce que je perçois de la vie (rien de négatif là-dedans, j’aime la nature), imaginons ce que ça peut être pour un enfant…
Alors je réitère mon point de vue :ne pas connaître les limites de son environnement est anxiogène. Les connaître, c’est accéder à la possibilité de les bousculer. Comment avoir envie de dépasser ce que l’on n’a pas réussi à tangibiliser ?
C’est là d’ailleurs le principe de la psychoéducation. Prendre conscience de ce que l’on vit, des armes en notre possession, pour récupérer notre faculté d’action, ce qui consiste à mon sens à un booster extraordinaire de l’estime de soi.
Bien sûr, je suis personnellement convaincue que le parent qui décide de ne pas poser de limite le fait en toute bienveillance et dans le but de communiquer un amour infini à son enfant. En aucun cas je ne pose, par ces mots, de regard jugeant ou dénigrant. Bien loin de moi cette idée… il aurait fallu, pour cela que je sois une Maman parfaite, et encore.
Poser ses propres limites quand on n’a jamais appris
Chaque expérience douloureuse est une occasion d’apprendre. Que faut-il pour apprendre ? peut-être savoir remettre les choses en perspective, réfléchir aux actions et aux conséquences et en tirer des enseignements. Jusque tard, un enfant est incapable cognitivement de le faire seul. Que lui reste-t’il alors ? l’incompréhension…
Je me questionne sur le devenir de ces enfants qui se confronteront forcément, un jour où l’autre, aux limites de quelqu’un ou de quelque chose. N ayant pas eu l’occasion de se heurter à celles de leurs parents, ils le vivrons bien vite dans le contexte de leur scolarité premièrement voire même avant, en crèche ou chez une Maman de jour, avec une Nounou.
Et finalement, comment poser ses propres limites quand on n’a jamais appris à les voir et à les vivre ? ou surtout, à en tirer des enseignements ?
Je travaille régulièrement, avec mes clients, sur des notions de limites mal définies. Je ne vous parle pas ici d’habiletés parentales, mais bien de développement de soi. L’absence de limites a des effets sur tous les domaines de la vie et je ne m’arrête pas, dans ce qui suit, au seul champ de la parentalité.
Les conséquences sont en général les suivantes : manipulation subie, débordements, inadaptation, incapacité d’action, relations bancales, dévouement épuisant, etc… Ces adultes vivent l’incompréhension de ce qui leur arrive et un sentiment d’incapacité d’action pour changer la situation.
Le premier acte consiste donc à creuser, avec eux, le sujet de leurs propres limites et bien souvent le constat tombe : « je ne sais pas ».
Voilà qui est dommage… Pour l’avoir vécu, je sais que quand on ne connaît pas ses propres limites (et je ne vous parle pas que de capacités), on n’est incapable de se défendre ou de fermer la porte à toute personne qui aurait le réflexe d’aller trop loin ou de s’éviter d’entrer dans une situation qui nous sera dommageable.
Alors non, tous ne sont pas issus de l’éducation bienveillante, on est bien d’accord ! mais il s’agit bien ici de prendre conscience de l’existence de limites (souvent rigides malgré tout) dans tout ce qui nous entoure pour mieux en faire un partenaire de… tango (ou slow, tout dépend des caractères).
Danser avec les limites pour les emmener plus loin
Je vous le disais plus haut, je reste convaincue qu’il n’y a que ce que l’on connait bien que l’on peut contourner, repousser ou surmonter.
Je hais les limitations… et pourtant, j’en ai besoin pour continuellement me dépasser ou les dépasser.
J’ai conscience – en général – de mes propres limites (il me manque quand même encore certains points d’alerte… j’y travaille). Je les sens, la plupart du temps, vibrer quand je les atteins. Et j’explose de vie quand je les dépasse.
Tout ce que j’essaie de forcer résiste. J’ai déjà alors constaté qu’il est préférable que j’adapte mon comportement au contexte pour faire danser ces limites et gentiment les faire se déplacer… ou alors, rester rigide et hargneuse, autocentrée, mais avoir conscience des conséquences et les accepter.
J’espère donner tout ce qu’il faut, à mes enfants, pour qu’ils s’épanouissent et comprennent que beaucoup de choses dans la vie leur seront accessibles, qu’ils doivent briser ce plafond de verre et ne pas avoir peur de le faire.
Ce sur quoi je travaille pour leur permettre ça ? non seulement sur la connaissance du fonctionnement du monde qui les entoure – ou du moins de ce que j’en ai compris – mais aussi sur leur propre fonctionnement. Tenir compte de ses peurs, de ses envies, de ses forces et ses failles, mais aussi de ce qui est possible de faire dans le respect de chacun, y compris de soi.
Prendre conscience que chacun de nos actes a une conséquence dont il faudra tenir compte dans notre plan est primordial, et ça passe aussi par le fait de leur expliquer, à ces enfants que je chéris tant, que comme ils viennent de me mener la vie dure pendant 1 heure de temps en refusant d’obéir parce qu’ils avaient décidé qu’ils n’iraient pas se coucher, après une journée de travail bien remplie, je n’ai plus le cœur à leur raconter une histoire en me mettant dans la peau d’un bisounours, parce que je suis humaine. Mais que bien sûr, parce que je suis leur Maman, mon comportement ne définit pas la façon que j’ai de les aimer, c’est-à-dire, à l’infini…
Alors oui, vous l’aurez compris… moi qui suis une allergique des limites je m’emploie à les faire connaître aux Êtres les plus importants de mon existence : mes enfants. Pourquoi finalement ? parce que de nouveau, on ne peut combattre que ce que l’on connait.
Peut-on appliquer ce principe aux enfants atypiques ?
Définissions premièrement la notion de « atypie ». Je me calerai, pour cette fois-ci et pour éviter de rentrer, dans l’immédiat, dans le débat, au rang de la majorité en incluant, dans la notion de neuro-atypie, les problématiques suivantes : haut potentiel, hypersensibilité, TDA/H, dys-, TSA.
La question est souvent posée par les parents d’enfants atypiques qui rencontrent des problématiques sérieuses, parfois, dans le contexte de leur parentalité.
Ce que l’on note le plus souvent dans le cadre de ces profils, c’est bien l’effusion émotionnelle et la résistance face aux injonctions parentales.
Le refus de se plier aux règles est parfois réel et, chahutés par des tentatives de limitation, ces enfants remettent en question facilement ce qui leur est imposé en questionnant le sens de ces demandes.
Que ce soit par épuisement, ou par admiration des arguments qui leur sont opposés, certains parents cèdent et consentent à accéder au désir de leurs enfants – je ne jette pas la pierre, je me mets dans le lot.
D’autres, par excès d’agacement, resserrent l’étreinte et deviennent plus contrôlant, plus punitifs.
Chers parents, les extrémités nous trahissent : lorsque nous y glissons, nous nous perdons.
Et pourtant, nous devons maintenir des limites ! Pourquoi ? parce que peut-être plus que d’autres enfants, les enfants dits atypiques aiment questionner, connaître, s’évader et découvrir. Je vous renvoie alors à cette impression ressentie lorsque l’on se retrouve dans un endroit méconnu, sans outil. Waouw… étourdissement d’anxiété.
A mon sens, il est donc primordial de « borner » le champ d’exploration pour ces enfants si curieux, pour qu’ils puissent évoluer en toute sécurité, soutenus par ce socle si rassurant pour eux : le couple parental, famille.
« Y a plus qu’à » comme on dit… n’est-ce pas ? Je sais que ce n’est pas si simple à mettre en œuvre, d’autant plus que cette bordure doit rester ferme, prête à résister contre vents et marrées. Votre enfant va venir chercher votre détermination et la tester.
Le processus mérite un article à part entière. Je vous reviendrai très prochainement à ce sujet.
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